Christine DUFRECHE-SIMON
Artiste septuagénaire qui vit aujourd’hui à La Rochelle, j’utilise la technique de la "détrempe" et des pigments naturels comme les terres d’ocre et le pastel du pays de cocagne, dont j’ai parfois la pointe d’accent gasconne, terre familiale d’origine.
Mon adage inspiré : « N’est-ce pas en me questionnant sur chaque chose que je la vois ? ». En voici quelques unes glanées au cours de mes expos, et ses tentatives d’éclaircissement qui nous permettrons peut-être de nous approcher.
Comment as tu sorti cela ? D’où viennent tes inspirations ? Mystère ? C’est quoi le tien ? Par où passes-tu quand tu crées ?
Les réponses seront multiples et dépendront de chacun. L’essentiel pour moi, reste le questionnement que chaque œuvre propose.
Chacun⋅e procède différemment. En peinture, l’artiste est souvent seul⋅e, même dans son atelier au milieu des autres, c’est dans sa tête que cela se joue, un peu comme dans une demeure où il y aurait "recueillement", un lieu où il⋅elle peut avoir un rapport vrai avec lui⋅elle-même et avec autrui.
Et dans la tienne alors ?
Les moteurs, ce sont des faits de société, des exaspérations, des chocs émotionnels, une sensibilité exacerbée au monde, qui se figent comme des épines et qui me poursuivent jusqu’à me faire crier la couleur et prendre naissance du bout des pinceaux. Je suis comme poursuivie, ma tête s’encombre, je balbutie, ne trouve plus mes mots, le sommeil parfois. Cela doit sortir ! Pour me libérer, je peins pour ne pas porter seule le fardeau mais donner "hospitalité".
Tu procèdes comment ?
La toile agit alors comme le divan du psy : je me pose devant ce blanc apaisant. Je laisse monter le flux. C’est le moment pour que je cuisine mes couleurs, prépare le matériel, chiffons, pinceaux, récipients divers, tourne, marche, m’agite, avant de fixer mes deux pieds et mon regard juste au bord du chevalet.
Le miracle, il n’y en a pas ! Mes mains ne font que ce qu’elles ont appris, de façon empirique, à l’instinct du regard et à la limite de mon habileté. Tout sort du balancement du corps, comme le marcheur qui ordonne ses pensées au rythme de ses pas. Moi, c’est ma mémoire que je secoue. C’est mon "chez moi" que j’invite comme une question singulière à un autre singulier. Toujours, je veille à ce que l’autre puisse se retirer vers sa base, son secret, s’évader, se questionner.
La mémoire n’est pas livre d’or : elle a ses failles et ses pertes.
C’est comme la traduction d’un mot, la mise en image subjective et personnelle : que mettons nous sous chaque terme, dans chaque phrase entendue, quelle compréhension voulons nous donner à ce que nous voyons, ce que nous entendons ? C’est l’incroyable chemin de toute création, la fixation de tout⋅e⋅s créateur⋅trice⋅s d’images, celles qui dorment au fond de chacun d’entre nous.
Je tisse alors un fil ténu entre souvenirs et sensations. Il se tend et tire au grand jour un défilé d’idées comme des pierres précieuses.
Quels sont tes repères ?
L’instantané de la photo et sa fixation dans l’espace et le temps redonnent chair au message entraperçu. L’interprétation peut livrer son cours et laisser plein champ au négatif des sensations.
Il n’y a pas meilleure illustration que cette mise en parallèle des photos inspirantes, je pourrais dire « mémorielles » et le reflet des tableaux. Parfois, il n’y aucun repère. Tout dépend de la question éveillée.
Et ?
Simplement, reste à regarder, ressentir, et se laisser emporter par la vague des couleurs mises en scène et trouver si ce n’est la réponse, d’autres questions !